Vitesse, liberté, victoires et destin tragique: le pilote Suisse de Formule 1, disparu à l’âge de 35 ans, court encore et toujours dans la mémoire collective. Devenu un mythe par sa volonté, ses qualités humaines et son art du pilotage, Jo Siffert a vécu et est mort pour la course. Il affronta l’élite mondiale des disciplines automobiles sur les circuits du monde entier. Fonceur, courageux, il mit tout en oeuvre pour atteindre son rêve d’enfant : devenir pilote de Formule 1.
Né à Fribourg en 1936, Joseph Siffert, dit Seppi, est issu d’une famille pauvre. Il sera tour à tour chiffonnier, ramasseur de douilles, avant de faire un apprentissage de carrossier. Son but est clair mais les moyens financiers font défaut. Seppi parcourt la Suisse romande en quête de voitures accidentées qu’il restaure et revend. Il débute par des compétitions de motos, puis de side-cars en Europe en tant que copilote dans le panier. A 24 ans, il s’achète une Formule Junior et part avec deux mécaniciens, Michel Piller et Jean-Pierre Oberson pour faire le tour des circuits d’Europe. Très vite, ce vagabond de la course qui couche et mange dans son camion avec ses mécaniciens, remporte des compétitions. Il passe à l’échelon supérieur: la Formule 1.
En 1963, il remporte son premier Grand Prix à Syracuse. Jo Siffert est un des rares pilotes à courir en indépendant: il a créé son équipe, le «Jo Siffert Racing Team», récompensé cette même année par l’Association des pilotes de GP. Il rivalise avec les pilotes d’usine et réussit à battre par deux fois le champion du monde de l’époque Jim Clark (Enna, 64/65). Dès 1964, il commence les courses d’endurance en voitures de sport prototypes. Discipline dont il deviendra le maître. Son palmares est impressionnant, il ne lui manque qu’une victoire au Mans.
Pilote complet, il ne prenait pas de repos lorsqu’il rentrait sur Fribourg où il avait ses affaires, son garage et un hall d’exposition avec les marques Porsche et Alfa Roméo. En formule 1, il remporte 5 voitures au cours de sa carrière et termine 4ème du championnat du Monde en 1971.
Sa vie fut la course, la course fut sa mort», écrivit Jacques Deschenaux dans les colonnes de La Liberté du 25 octobre 1971, le lendemain de cette tragique course de formule 1 au cours de laquelle Jo Siffert allait trouver la mort. Ironie du sort, cette course, ne comptant pas pour le championnat du monde de formule 1, n’aurait jamais eu lieu si le Mexicain Pedro Rodriguez, coéquipier de Siffert aussi bien chez BRM que chez Porsche, n’était pas décédé le 11 juillet 1971 sur le Norisring.
La date du 24 octobre aurait dû en effet accueillir le Grand-Prix du Mexique. Ayant perdu l’idole de tout un pays trois mois auparavant, les organisateurs mexicains n’avaient cependant plus le coeur à mettre sur pied un grand-prix. Les Britanniques, tout heureux de fêter la conquête du deuxième titre mondial de leur compatriote Jackie Stewart, saisirent alors cette date devenue vacante pour organiser à Brands Hatch une épreuve en l’honneur justement de Jackie Stewart. Une épreuve qui ne comptait pour aucun championnat et à laquelle Jo Siffert, pour une fois, ne souhaitait pas participer. Il est vrai qu’il avait le droit d’être saturé et qu’avec la bagatelle de 40 courses, sa saison 1971 était bien remplie!
Sur ce circuit de Brands Hatch, où il avait remporté son premier grand-prix de formule 1 en 1968 – la dernière course à avoir été remportée par un pilote privé -, Jo Siffert devait trouver la mort au 16e tour, dans la courbe Mike Hawthorn. Sortie de la piste à plus de 260 km/h, sa BRM s’est embrasée presque instantanément et Seppi mourait asphixié. S’agissaitil d’une crevaison lente comme quelques semaines auparavant lors du Grand-Prix d’Autriche où il avait malgré tout remporté sa deuxième victoire en formule 1? S’agissait-il au contraire d’une boîte de vitesses bloquée?
Alors qu’il n’avait jamais été aussi performant et populaire, le destin décida de couper court à sa formidable ascension vers les sommets du sport automobile. Comme Jim Clark, Jochen Rindt et Pedro Rodriguez avant lui, comme Ayrton Senna, Joseph Siffert s’en est allé comme les plus grands champions, emportant avec lui le secret de sa mort. Toute la Suisse le pleure et plus de cinquante mille personnes assistent à ses obsèques à Fribourg. La légende fait alors place au mythe.